Mon verre de Syrah était parfait. Juste ce qu'il faut de fruité, de tanins mûrs, de fraicheur. Il l'était avant que la drosophile*, la "mouche à fruits", n'y plonge pour y larguer des bactéries et ses phéromones.
Résultat : mon vin pue et il se retrouve dans l'évier. Comment cet insecte d'à peine 4 mm peut-il ruiner le vin, en seulement quelques secondes?
Pour comprendre ce qui se passe lorsque la drosophile entre en contact avec le vin, je me suis tournée vers Benoît Marsan, chercheur au Département de chimie de l’Université du Québec à Montréal, auteur, conférencier et enseignant à l'UQAM au cours Science et vin : de la vigne à la dégustation, et éducateur en chimie du vin auprès des professionnels de l’industrie.
L'insecte, dans son périple aérien, transporte des levures, des bactéries, notamment l'acétobacter (bactérie capable de transformer l'alcool en vinaigre; la piqûre acétique)... La "mouche à fruits", comme on l'appelle communément, cherche un milieu propice pour y introduire ses œufs et y faire croître ses larves. Les fruits bien mûrs qui fermentent l’attirent particulièrement puisqu’ils contiennent un jus sucré facilement accessible dont se gavent les larves. Comme elle aime les molécules volatiles de la fermentation, elle est attirée par le vinaigre et... l'alcool.
Ces mouches sont présentes lors des vendanges et au début des fermentations notamment. Les raisins écrasés sont une invitation au paradis pour elles! Mais ce qui se passe dans le vin fini, dans notre verre, est surtout dû à une molécule responsable de ces goûts altérés dans le vin : les phéromones!
Sacrée Drosophile! Elle se sert de ma magnifique Syrah comme d'un nid d’amour...
C'est la femelle qui est responsable de l'altération des arômes et du goût (le mâle a une responsabilité disons... collatérale!)
Ses phéromones sont perceptibles dans le verre de vin à une mesure si infime de 1 nanogramme! L’un de nos très nombreux types de récepteurs olfactifs y est sensible à ce point!
Le résultat dans le vin?
Cette molécule, dont je vous épargne le nom!, réduit de beaucoup la perception des beaux arômes, du fruit et donne presqu'immédiatement (quelques minutes) des notes végétales (pour moi, c'est parfois ce qui se rapproche du poivron vert) et en bouche une augmentation de la perception d'amertume (comme s’il s’agissait de tanins de petite taille pourtant de nature bien différente) et métallique. Dans ce dernier cas, il est intéressant de noter que cette même molécule a été trouvée dans du suif oxydé au goût métallique.
Ma conclusion : j'aurais pu écouter Benoît Marsan me parler de molécules et de mots qui se terminent en "amine" "éhyde", "nal" et "zyme" pendant des heures!
Fascinant insecte, mais pas dans mon verre !
Voici 3 trucs pour faire fuir ce petit insecte aux yeux rouges:
L'insecte est souvent ramené à la maison dans votre panier d'épicerie. Lavez vos fruits et légumes et mettez-les au frais.
Dans un bol, versez du vin ou du vinaigre de vin avec un peu d'eau savonneuse. Recouvrez de pellicule plastique que vous aurez perforée. La drosophile se trouvera emprisonnée. Et pensez à changer la potion quelques fois par semaine.
Dans votre verre de vin, si la drosophile y plonge, c'est foutu ! Le truc? Utilisez votre sous-verre comme "sur verre"!
*Drosophilia (du grec) rosos, « rosée », et -philê, « qui aime ».
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